Alors la fraternisation de première espèce, c'est quand tu kiffe les gens alors que (parceque ?) la seule chose que vous ayiez en commun c'est le fait d'être là (à un moment donné, s'entends). Bon là il faut un exemple...
A la relecture, les personnes sensibles, ma maman et les gens qui d'une manière générale voudraient garder un vision angélique de moi, devraient peut-être se dispenser de la lecture de cet article. Enfin ça reste soft, hein... les détails trash je les garde pour moi...
L'autre jour je suis allé au classic bar tout seul. Le classic bar, c'est un bar a Changchun où il n'y a pas trop de laowai, normalement (surtout dans la salle du haut). Aller faire les bars tous seuls c'est un peu la louse mais bon des fois, vous avez pas trop envie de passer une énième soirée avec les même gens (avec qui vous bossez et avec qui vous habitez...) mais vous feriez n'importe quoi pour ne pas passer la soirée tout seul a regarder votre troisième film de Tarkowski ce mois-ci...
Or donc, j'étais tout seul au classic bar... Je l'avais pas anticipé, moi j'y étais dans une optique de louse pure et dure, mais a posteriori, il est évident que quand tu es un laowai tout seul au classic bar, le premier chinois pas trop timide (c'est rare, cependant) va t'inviter a trinquer. Bon. C'est comme ça que j'ai connu Xu Kai. On a discuté un peu ; autant que mon niveau de chinois (il parle pas anglais) et le niveau sonore des bars chinois le permetait. On a pu discuter un peu plus le lendemain quand je suis allé picoler chez lui.
Ouai parceque quand je dis qu'on a parlé, c'est peut-être un peu prétencieux... on a du echanger autant d'idée que de "ganbei" (cul-sec, la manière de boire socialement). C'est marrant, le premier jour au Classic bar, j'ai cru qu'il faisait partie de la jeunesse dorée de Changchun (le fils d'un salopard de capitaliste ou d'un membre haut placé du parti) (bah oui, il avait un pote qui avait une belle voiture). Mais en fait c'est juste un pauvre petit chinois, qui travaille a l'usine automobile, qui a une petite femme dans un petit appart' avec des toilettes assez crades.
C'est aussi un gars qui a reçu un transfer de technologie et qui donc a vécu en Corée pendant six mois. Et de fait, il est super ouvert, c'est un des seuls chinois que j'ai rencontré qui débite pas les mêmes histoire sur les vilains japonais qui ont tué 30.000 étudiants innocents à Nanjing en '39.
Enfin voilà, je sais plus trop ce qu'on a raconté, mais (l'alcool aidant) j'ai passé deux super soirées a discuter avec un chinois et ses potes alors que, a priori, on n'avait pas grand chose en commun, à part /le fait d'être là/.
Et... c'est là que ça devient un peu cruel, la fraternisation de 1ere espèce, c'est que c'est ephémère... On se rends assez vite compte que se rencontrer a nouveau ça va être assez compliqué... Moi j'habite les beaux quartiers et lui un hutong crasseux près de l'usine, je sais pas ce qu'il faisait au classic bar ce soir là, mais il doit pas y aller souvent (moi non plus). L'autre jour je reçoit un texto de lui, qui venait de finir son boulot avec l'équipe de nuit et euh... non je ne pouvais pas aller picoler avec lui parce que j'avais ma journée devant moi. Ah... et puis, non, je ne veux pas non plus aller 玩儿 (wan'r "Ouan're", m'amuser) avec des 美女 (mei nü "meille nu", des jolies filles), même si c'est pas cher et même si tous les chinois font ça, je suis pas encore suffisament chinois.
Enfin voilà... tout ça pour dire que la fraternisation de première espèce c'est assez compliqué. D'ailleurs bien souvent tu n'as pas du tout envie d'avoir a gérer une situation comme ça où tu veux à la fois passer un bon moment, fraterniser, et conserver ton intégrité physique, financière (enfin c'est safe, la Chine, je pense, surtout quand tu cherches a fraterniser) et morale, alors que tu es tout seul et un peu bourré dans un pays dont tu ne maîtrises pas la langue.